"Vayigach est une parasha qui semble peu intéressante à première lecture. Analysée avec les clés de la Cabale et de la Hassidout, elle devient très instructive ! Elle exprime comment s’opèrent les retournements symboliques. C’est une parasha en forme d’articulation entre un « avant » et un « après ». Vayigach introduit la phase d’exil de la famille de Yaacov en Égypte – exil des tribus d’Israël – qui préfigure métaphoriquement l’exil bimillénaire du peuple juif dans le monde des Nations".
UNE ANNEE AVEC LA CABALE (extrait)
Secrets de la Torah et des Fêtes Juives
Livre 1/6 Genèse Berechit
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"Vayigach, c’est le récit détaillé de tout ce qui va être entrepris par Yossef, alors Vice-Roi d’Égypte, pour que son père et ses frères réussissent les transformations psychologiques nécessaires à leur survie, deviennent ce qu’ils doivent devenir et descendent le rejoindre en Égypte. L’enjeu : la réalisation du Plan divin et la teshouva, la repentance éclairée, de chaque chef de tribu.
Yossef, qui a la vision de ce que sera l’avenir du futur peuple juif et des forces qu’il doit acquérir pour se survivre, sait qu’il doit amener ses frères à revenir sur leurs fautes d’une part, et à accepter leur subsistance de Yossef, d’autre part. Yossef et ses frères ont en effet, chacun, une puissance colossale. Ils incarnent, représentent et contiennent des forces spirituelles, mentales et physiques bien au-delà ce que l’humain peut concevoir. Yossef les affronte pourtant, les manipule et les fait se révéler à eux-mêmes.
On comprend mieux alors pourquoi cette parasha se nomme Vayigach. Comme toujours en hébreu, la racine d’un mot a plusieurs significations. Ici Vayigach ויגש signifie tout à la fois : approcher/rencontrer, mais aussi heurter/entrer en conflit et enfin offrir/servir. « L’approche » de Yehuda contient ainsi un fort potentiel de violence dans sa rencontre avec son frère Yossef. Un combat entre « le lion » (Yehuda) et « le taureau » (Yossef). Yehuda est prêt à utiliser toute sa puissance destructrice contre Pharaon et contre l’Égypte si Yossef (qu’il n’a pas encore reconnu) refuse de libérer Benjamin leur plus jeune frère. Mais cette rencontre a pour finalité le service divin, le don de soi et la capacité à recevoir.
Lorsque Yehuda « s’approche » de Yossef, c’est pour lui signifier qu’il a identifié sa puissance et qu’il est prêt à lui opposer la sienne qui est tout aussi grande (la puissance d’Hachem) pour détruire l’Égypte qu’il a construite, si Yossef se comporte comme Pharaon. Même si toute royauté sur terre – y compris la royauté d’Égypte – est mise en place par l’Éternel. Tout décret royal qui émane d’un roi parmi les Nations est accepté par la royauté divine.
Pour parvenir à opérer ce renversement, Yossef met en œuvre ce qui apparaît comme un processus psychanalytique très fin pour faire parler ses frères, leur faire s’avouer à eux-mêmes leur faute : avoir jeté Yossef dans un puits, l’avoir abandonné, puis l’avoir vendu comme esclave à des Ismaélites. Il atteint leur inconscient, parvient à leur faire évoquer à haute voix leur faute, ainsi que la peine qu’ils ont causée à leur père qui reste inconsolable de la perte de son fils.
Yaacov a en effet perdu son רוח הקודש son roua’h ha kodesh, l’Esprit Saint, depuis l’annonce de la disparition de Yossef. Tout à sa tristesse, Yaacov ne « voit » plus le Plan divin. Il n’a pu en effet bénéficier de la consolation par le temps envoyée par D.ieu aux endeuillés… puisque Yossef n’est pas mort. D’où l’on apprend que lorsque l’on entre dans la tristesse, dans la dépression chronique, on perd toute faculté de percevoir le divin, le miracle de la vie. La tristesse, c’est ce qui fait retarder toute chose. Yaacov (עקב ékèv, le talon) מתעכב (mit’akèv, est retardé) la sortie d’exil est retardée".
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Illustration : Yoram Raanan
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