Une graine de Cabale à planter dans ton Jardin des Connaissances... La chose peut-être la plus fascinante dans la pensée juive profonde, c’est que c’est un monde de correspondances, d’une cohérence parfaite. Tout, absolument tout, est en relation avec tout ! C’est ainsi que le Créateur a conçu le monde. Je ne connais pas d’autres cultures où chaque élément soit ainsi présenté comme relié à tous les autres. C’est une spécificité de notre civilisation, et pour cause : il s’agit de l’intériorité de la Torah, mode d'emploi du monde... Ainsi, je veux parler aujourd’hui des 4 éléments qui constituent tout l’univers : la terre, l’eau, l’air et le feu. Nous verrons qu’ils sont reliés à toutes sortes de dimensions.
Sur le plan matériel, chaque chose existante est composé de ces 4 éléments, à différents degrés, et sur un plan métaphysique, également. Ces 4 éléments détiennent des propriétés intrinsèques et s'ordonnent, du plus "lourd" - la terre au plus éthéré - le feu - au propre, comme au figuré. Pourquoi cette hiérarchie ?
Le Créateur a utilisé un système, un codage, un langage pour créer la totalité du monde ; certaines choses « proches de Sa source » ont une vitalité intense (les anges, par exemple) et d’autres une vitalité infime (un grain de sable sur la plage de Netanya).
En chaque chose créée par D.ieu dans ce monde, réside une parcelle du divin, une « âme », ne serait-ce que son premier niveau, le plus voilé, le plus en sommeil, le plus sommaire : le nefesh. Chaque grain de sel, chaque brin d’herbe, chaque moucheron bénéficie d’une dose de vitalité qui émane du divin et n’existe que grâce à la volonté divine de le… faire ré-exister à chaque instant.
L’être humain se nourrit d’aliments composés de ces 4 éléments – il doit absolument se nourrir de cette diversité. Nous devons absorber chaque jour de la « terre » (des minéraux), de l’eau (des végétaux), de « l’air » (des animaux) et du « feu ». Le développement de nos facultés intellectuelles en dépend, notamment la vitalité de notre ‘Ho’hma et de notre Daat, ainsi que notre bonne santé générale (notre énergie). Il faut manger chaud, froid, cru, cuit, salé, sucré, liquide, solide, etc.
De la même manière, un sacrifice au Temple devait comporter ces 4 éléments. « Avec chacun de tes sacrifices tu offriras du sel ». Le sel accompagnait le végétal offert (hysope, gâteau de farine de blé, orge…), l’animal (bœuf, mouton, tourterelle…). Le tout était passé au feu, et du vin ainsi que de l’eau étaient versés sur l’autel sacrificatoire.
On l’entrevoit : chaque élément, chaque unité, chaque principe… est hiérarchisé, ordonné et renvoie à d’autres éléments, unités et principes de la même classe. Ainsi les minéraux, végétaux, animaux (‘vivants’) et humains (‘parlants’) correspondent très précisément à l’élément terre (minéraux), à l’eau (végétaux), à l’air (animaux) et au feu (humains).
Mais ce n’est pas tout. Ces éléments renvoient à des traits de personnalité, des organes du corps humain, des sefirot, des zones de l’espace, des lettres hébraïques, etc. Si l’on prend le feu, par exemple, qui symbolise l’être humain, la Cabale dira qu’il se loge dans le cœur de l’homme, qu’il se manifeste par la colère et la fierté, qu’il relève de la sefira Gvoura, qu’il monte du bas vers le haut (direction), qu’il se situe dans la sphère sublunaire, et qu’il correspond à la lettre Youd du nom de D.ieu, le Tétragramme.
Alors pourquoi un tel système de correspondances ? C’est l’analyse que les Sages font de la réalité du monde, tel qu’il a été créé, dans l’Unité. Nous sommes une parcelle de l’univers, tout fait sens, je suis composée de lettres et de valeurs numériques, à l’instar de chaque élément dans le cosmos. Et je suis unique, dans ma composition : trop de feu, beaucoup d'eau, peu d'air mais encore trop de terre... Si j’existe, c’est que je dois exister. Chaque chose a sa nécessité, et elle s’agence dans le Tout.
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Illustration : Tacuinum Sanitatis, Italy late 14th c.
Sources dans le Tanya :
« D.ieu a contracté la lumière et vitalité qui pourrait se diffuser du « souffle de Sa bouche » et l’a revêtue des combinaisons des lettres des Dix Paroles et des combinaisons de leurs combinaisons, des substitutions et permutations des lettres elles-mêmes et des calculs de valeur numérique [des lettres] et de leur nombre. Car toute substitution ou permutation des lettres indique la descente de la lumière et vitalité, de degré en degré, de sorte qu’elle puisse créer et faire vivre des êtres dont la qualité et la valeur sont d’un degré inférieur à la qualité et la valeur des êtres créés par les lettres et les mots mêmes des Dix Paroles » (Chaar Hay’houd Véhaémouna, Chapitre 7).
« La « pierre » (אבן), son nom qui comporte les lettres beit et noun indique que sa source est dans le Nom divin dont la valeur numérique est 52 (ב״ן) (…). Le Nom ב״ן représente le Nom divin Havaya épelé d’une certaine manière. Le mot אבן (pierre) est composé de ces deux lettres, avec un alef ajouté d’un autre Nom divin pour une raison connue de son Créateur. (…) C’est seulement que par le biais de nombreuses et puissantes contractions de degré en degré, une vitalité extrêmement minime est descendue [de ce Nom], au point de pouvoir se revêtir de la pierre. Et c’est là (cette infime vitalité) le néfech de la pierre, qui l’anime et l’amène à l’existence ex nihilo à chaque instant, à savoir qu’il y a dans la matière inerte aussi, comme les pierres, la terre et l’eau où aucune forme de vie n’est évidente, une forme d’âme et de vie spirituelle » (ibid.).
« La hiérarchie des catégories, minéraux, végétaux, animaux, humains, qui correspondent à la terre, à l’eau, au feu, à l’air. Ainsi, les quatre catégories constituant le monde matériel sont le pendant des quatre éléments fondamentaux de la matière, dans un ordre légèrement différent de celui du texte. Les minéraux correspondent à la terre, inerte et lourde, les végétaux à l’eau, qui les fait pousser, les animaux à l’air, qui a la capacité de se déplacer et les humains au feu, qui est l’aspect le plus spirituel de l’existence matérielle. L’humain reçoit sa vitalité de l’un et de l’autre, de même que les facultés de ‘Ho’hma et de Daat. Un homme se nourrit donc de minéraux, de végétaux et d’animaux, desquels il tire la subsistance physique de son corps. Mais, le Tanya souligne, en outre, que son alimentation développe aussi ses facultés intellectuelles. Il est clair que celui qui a faim est incapable de se concentrer et d’établir un raisonnement ». (Tanya et son commentateur, Iguerete ha Kodesh, chapitre 20)
« Comme les quatre éléments physiques : le feu, l’air, l’eau, et la terre, sont le fondement de toutes les entités physiques, cette âme est composée de quatre éléments spirituels correspondant aux éléments physiques fondamentaux. Parce qu’ils dérivent de la klipa et du mal, ils sont eux-mêmes mauvais et engendrent tous les mauvais traits de caractères, à savoir : la colère et la fierté [émanent] de l’élément de feu qui s’élève vers le haut. La fierté est un état dans lequel un individu se considère comme supérieur aux autres. La colère est un dérivé de la fierté : s’il n’était pas imbu de lui-même, il ne se mettrait pas en colère contre quiconque défie sa volonté. L’appétit pour les plaisirs [émane] de l’élément d’eau, car l’eau permet la croissance de toutes sortes de choses offrant du plaisir. La capacité de l’eau de faire germer et croître des choses agréables établit que l’élément de plaisir est dissimulé en elle. L’appétit pour les plaisirs dérive donc de l’élément d’eau. La frivolité, la raillerie, la vantardise et les paroles futiles [émanent] de l’élément d’air, à l’instar de l’air, elles sont dépourvues de substance et la paresse et la mélancolie [émanent] de l’élément de terre. La terre est caractérisée par la pesanteur. L’homme pris de paresse et de mélancolie ressent une certaine pesanteur de ses membres. Comme les naturalistes l’expliquent, et c’est également [ce qui est écrit] dans le Ets ‘Haïm, l’élément de feu est dans le cœur, tandis que la source de l’[élément d’]eau et d’humidité est dans le cerveau. Et comme il est expliqué dans le Ets ‘Haïm, porte 50, la source de l’élément d’eau est le niveau de ‘Hokhma, qui est appelé « l’eau de l’âme divine ». Parce que le cœur est le siège des sentiments (la chaleur), on dit qu’il est la demeure de l’élément de feu. A l’opposé, le cerveau, siège de l’intellect « froid », de la sérénité et de l’intelligence mesurée, est la source de l’élément d’eau. » (Tanya et son commentaire, Likoutéi Amarim, Chapitre 1)
« Les quatre éléments – la terre, l’eau, l’air, et le feu – sont situés de façon que les éléments supérieurs (plus légers) surplombent et entourent les éléments inférieurs (plus grossiers). L’élément de terre est le plus grossier. L’élément d’eau, en suivant dans l’ordre ascendant, devrait donc entourer la terre. C’est seulement par la Bonté divine que la terre est à la surface de l’eau, ainsi qu’il est dit : « Il [D.ieu] étend la terre sur les eaux, car Sa Bonté est éternelle ». L’élément d’air est supérieur à la terre et l’entoure. L’élément de feu, le plus subtil, surplombe l’atmosphère entière et se trouve dans la sphère sublunaire. (Tanya, Likoutei Amarim, Chapitre 19)
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Illustration : Liber de Simplici medicina Manuscrit, encre noire et peinture sur parchemin, XVe siècle (Livre des simples médecines), Mattheus Platearius.
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