“Difficile de se figurer où j’ai atterri lorsque l’on ne connaît pas. Concrètement, j’ai été accueillie et je vis dans le Shomron, autrement dit, la Samarie, Cisjordanie, West Bank, territoires occupés, appelons cela comme vous le voulez. Cela se situe à 1h30 (en comptant les embouteillages) en bus blindé de Jérusalem. Évidemment, les voyages en voiture particulière sont nettement plus rapides mais peuvent également ne jamais atteindre leur but, comme une famille d’Eli en a fait la malheureuse « expérience » il y a quelques temps. Cela limite quelque peu les velléités d’exploration des charmes de la région, et la vie sociale en générale. Le village qui nous a accueillis s’appelle Eli”.
Extrait de EN ISRAËL ! CHRONIQUE D'UNE NOUVELLE IMMIGRANTE (2002). En vente sur Amazon (60 pages, 4,99 €)
“Eli, donc, s’étend progressivement – c’est sa vocation – sur plusieurs collines, et ressemble à s’y méprendre à une résidence de banlieue américaine, avec ses jolies rues pavées, ses bougainvillées éclatants dans la lumière du désert, et les villas spacieuses des « colons » - je préfère mettre des guillemets - qui ont décidé de « coloniser » durablement. Cela fait un peu d’ailleurs colonie… de vacances, n’étaient les shomrim, les gardes qui patrouillent, ou les pères de famille ventrus portant dans un ensemble harmonieux kipa, tsitsit et Ouzi en bandoulière, environnés d’une nuée d’enfants de tous âges en poussette, vélo ou rollers.
La population d’Eli (450 familles) est dite mixte et c’est pour cette raison que l’on m’a orientée vers ce village. Mixte, cela signifie qu’il abrite autant de ‘habad, sérieux, orthodoxes, vêtus de noir et blanc, pour ce qu’il en est des signes extérieurs, que de gens qui se baladent en short et en tricot Marcel, fumant pendant Shabbat qu’ils ne respectent pas. Mais chacun se respecte justement, que l’on « respecte » ou que l’on « ne respecte pas ».
Entre ces deux extrêmes qui n’en sont pas vraiment – car tout se réconcilie finalement sous les cieux du peuple d’Israël – toutes les attitudes, toutes les tendances, toutes les sensibilités coexistent.
Je commence à savoir reconnaître les Israéliens de souche ou de longue date – jupe longue de coton léger et turban de toile très féminin, sandales Shoresh, existant en version avec chaussettes (!), visages purs aux contours fermes, sourires généreux et éclatants des femmes et des enfants aux grands yeux sans détours, les hommes forts et massifs, à la démarche puissante, la voix portant loin ; les Russes, plus ramassés, blancs de peau ou rouge-coup-de-soleil, leurs femmes ne se couvrant que rarement la tête, les gamins chétifs au regard interrogateur ; les Américains, plus délicats de constitution, si exotiques à mes yeux, et les Français, immigrés plus récemment pour la plupart, conservant les traces de leurs différents styles de vie, qu’ils aient été Parisiens ou Marseillais, dans la pub ou l’électroménager, leurs femmes s’entêtant à porter perruque sous ces latitudes pourtant extrêmes. Mais pas de schtreimel ni de caftan long à l’horizon.
Pardonnez-moi de n’être pas plus subtile dans mes descriptions, mais j’arrive à peine et ce sont les contours grossiers du tableau qui me sautent aux yeux.
J’ai tout de même appris qu’ici moins qu’ailleurs, je ne pourrai me fier aux apparences. Telle personne qui me paraissait ridicule dans son accoutrement tsniout et semblant répondre par son vêtement à une catégorie bien définie – degré de pratique religieuse, origine géographique ou sociale bien déterminés – dissimule en fait des trésors de curiosité, d’appétence intellectuelle et d’ouverture, quand telle autre qui semblait me correspondre davantage se révèle finalement limitée, complexée et pas drôle du tout”. Mardi 19 novembre 2002
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