"La Tradition ésotérique explique que l’humanité était dans le Tohou. Les hommes étaient quasiment dépourvus de libre-arbitre, envahis qu’ils étaient de l’impériosité de leurs désirs. Seule leur importait leur quête permanente de plaisirs et la puissance de leurs outils pour créer - comme D.ieu et en utilisant Son langage - tout ce qu’ils pouvaient désirer pour satisfaire leurs convoitises.
UNE ANNEE AVEC LA CABALE (extrait)
Secrets de la Torah et des Fêtes Juives
Livre 1/6 Genèse Berechit
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"A ce stade de l’enfance du monde, D.ieu était connu des hommes. Il n’était pas une abstraction mais une réalité tangible de chaque instant. Il est dit par exemple que Noé connaissait Adam ha Richone. Les outils de D.ieu – Son langage créateur – étaient tout aussi connus des êtres humains. Des générations d’hommes dans une toute-puissance quasi-divine, mais dans l’incapacité de gérer leurs pulsions et manipulant à leurs fins le lashon ha kodesh pour vivre des vies de plaisir en dehors de toute moralité, voilà ce qu’ils étaient. Ces « géants » en toutes choses fabriquaient ainsi ex nihilo des créatures, vivaient de longues existences de luxure (une épouse pour la reproduction et une femme pour le plaisir) et n’hésitaient pas à recourir à la violence pour obtenir ce qui leur résistait. Les émotions nées de ces désirs étaient essentiellement négatives : trop de désir, aucune structuration de l’élan vital. C’est à tout ceci que D.ieu voulut mettre fin.
Il confie alors à Noé la tâche de construire une structure très particulière : étagée et cloisonnée. Une structure suffisamment étanche et résistante pour qu’elle puisse s’opposer à la puissance des éléments naturels déchaînés à l’extérieur (la pluie et les flots au-dehors) et au travail de « décantation » intérieur (« Tu l’enduiras en dedans et en dehors de poix », Genèse 6,14). Doivent y être accueillis et rangés, en bon ordre et par paire, tous les animaux de la Création. Tout en haut, les hommes, en-dessous les bêtes, au-dessous d’eux, les déchets. L’ordre est donné par D.ieu de respecter une abstinence complète - pour les couples humains autant qu’animaux - durant tout leur séjour dans l’Arche.
Dehors, les éléments font rage. Des eaux brûlantes et sulfureuses détruisent tout et recouvrent la terre, tuant toute vie. Pour D.ieu, la mort n’existe pas, l’âme est immortelle ; mourir n’est qu’un changement de support matériel à l’âme. Et même les quatre éléments combinés qui forment un corps de chair (poussière, eau, air, feu), séparés, purifiés et recomposés peuvent rendre, en quelque sorte, le corps aussi immortel que l’âme.
Au-dehors, la terre est purifiée et renouvelée ; au-dedans de l’Arche, les choses sont organisées, pacifiées et structurées, le tout, au cours d’un processus qui dure une année entière.
Nous le comprenons maintenant : les « bêtes » représentent les pulsions dont on dit qu’elles sont « animales », le désir, l’élan vital, l’ego de notre Tohou intérieur. L’Arche peut donc être comprise comme une métaphore. Celle d’une pensée, correctement structurée (les étages de l’Arche sont affectés à des fonctions particulières), où les « animaux » (les désirs dans toute leur vitalité), trouvent leur place harmonieusement, tiennent leur rôle de moteur à l’action mais ne débordent pas l’homme. La Torah nous enseignera tout au long des cinq Livres comment « sacrifier » notre part animale en sacrifiant des animaux, sur l’autel du service divin, selon des rituels précis qui servent à encadrer scrupuleusement cette violence.
Ce que Noé a apporté à l’humanité est essentiel à ce stade de son développement : le repos au monde. Il a symboliquement proposé aux Hommes de construire des « réceptacles » capables de recevoir un message différent. Il a construit les kelim d’une humanité renouvelée. La Hassidout nomme la parasha Noa’h celle de « la force de l’apaisement ». Si Noé n’a pas fait faire teshouva à sa génération, du moins en a-t-il sauvé les âmes. Il a enseigné à sa génération les modalités pour trouver l’équilibre, structurer la psyché, canaliser les désirs, calmer la recherche de plaisirs. C’est la fonction de l’Arche : la construction des « réceptacles » du message divin pour les hommes, afin que l’humanité sorte de son enfance et entre dans sa maturité. L’Arche est une structure symbolique visant à préserver ou retrouver l’harmonie.
Au sortir de l’Arche, les choses rentrent dans l’ordre : les animaux s’engagent à s’unir désormais selon leur espèce. Et D.ieu assure que dorénavant, plus rien ne viendra suspendre le cours naturel des choses. La terre s’apaisant, le cycle du jour et celui des saisons perdureront. L’alliance est scellée avec l’arc-en-ciel, composé de toutes les couleurs harmonisées des sentiments divins, qui nous renvoie à l’équilibre des sefirot.
L’enseignement à retenir ici c’est que l’homme - chacun d’entre nous – a la possibilité de construire son arche : structurer ses connaissances, ordonner ses expériences, élaborer sa vie psychique afin de canaliser son animalité et pouvoir, à partir de là, recevoir l’influx divin pour participer, grâce à son individualité ordonnée, au projet divin pour l’humanité. C’est cela être Homme dans la pensée juive. Mais aujourd’hui, la situation est inversée : nous avons construit les réceptacles mais la lumière divine, la elokout, est voilée.
Dans la tourmente de l’adversité, entre et réfugie-toi dans l’Arche, reviens à la structure des choses : pense correctement et prie aux sources. Ressourcé, sors de cette tèva pour affronter l’adversité avec les bonnes dispositions : les bonnes pensées, la bonne vision".
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