« Naassé vé nichma : nous ferons et nous comprendrons. Plus exactement : nous ferons et ensuite il nous sera donné de comprendre – avec tout l’espoir et la foi que contient cette affirmation. Voilà ce qui nous a distingué des autres peuples. Nous avons accepté de prendre sur nous le fardeau de la garde de la Torah et de l’accomplissement des commandements, avant même de comprendre les tenants et aboutissants de ces nombreuses lois. Nous avons pris sur nous de nous soumettre au Baal ha Ratson, le Maître de la Volonté, la source-même de ce que peut être toute volonté humaine, plutôt qu’à la volonté de tout autre petit maître ici-bas, ce qui reviendrait à « faire »… sans « comprendre » ! La promesse du nichma, c’est celle d’une compréhension intellectuelle totale des mystères de ce monde et des secrets de la Torah »…
UNE ANNEE AVEC LA CABALE
Secrets de la Torah et des Fêtes Juives
Livre 6/6 Secrets des fêtes juives (à paraître)
Les publications d’Ariela Chetboun ici
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Chavou’ot signifie « les semaines » – sept précisément après Pessah. Cette fête commémore le don de la Torah aux Hébreux après leur sortie d’Égypte.
Nos Sages regardent le Matan Torah, le don de la Torah, comme un mariage. Mariage entre Hachem et Son peuple, mariage entre le corps du Juif et son âme divine qu’il reçoit à ce moment précis, fusion de la conscience inférieure et de la conscience supérieure, Daat ta’hton et Daat elyon, rencontre et épousailles de la matière du monde avec les mondes supérieurs. Le don de la Torah eut lieu le 6 du mois de Sivan, que l’on considère comme le mois des sentiments. La Torah est donc un enseignement sur les sentiments, sur la façon de les travailler pour le bien-être individuel et pour le bien commun. La Torah est comme la ketouba, l’acte de mariage entre D.ieu et le peuple juif qui l’accepta.
Le moment du don de la Torah est propice car le décret divin qui, depuis la Création, séparait les mondes (« les eaux d’en haut » et les « eaux d’en bas »), ce décret qui interdisait le mélange a été abrogé : D.ieu est « descendu », alors Moïse a pu « monter sur la montagne », la rencontre s’effectuer pour que don et réception soient possibles. Il fallut que soient réunies plusieurs conditions pour que le Matan Torah ait lieu. La première fut précisément l’abrogation du décret de séparation des mondes inférieurs et supérieurs.
La deuxième condition est la totale unité du peuple hébreu, son accord parfait, une complète bienveillance réciproque - כיש אחד בלב אחד – ké ich é’had bélèv é’had : car les hommes étaient comme un seul cœur.
Une troisième condition était indispensable : les corps devaient être capables de recevoir et d’abriter une âme divine, des corps dotés d’une puissance toute particulière. Il fallait que ces corps soient faits d’une matière suffisamment raffinée – au sens qu’un raffinage spécifique lui avait été administré - pour que l’âme divine puisse le pénétrer et y séjourner. Ce sont les corps des Juifs qui ont été choisis par Hachem, pourquoi ? Parce que nous avons endurci nos corps en esclavage au Maître de l’Égypte. Cet esclavage était un tikoun, la réparation de la faute de toute la génération qui a construit la tour de Babel pour se liguer contre D.ieu. Il faut comprendre que ces esclaves hébreux étaient les réincarnations de ceux qui avaient construit la Tour de Babel, elles-mêmes âmes réincarnées des Géants, fils de Caïn. Nous avons construit les monuments de Pharaon avec des briques que nous devions, sur la fin, fabriquer de nos propres mains. Des briques pour la Tour de Babel, des briques pour les villes de Pharaon… Elles représentent l’étude de la Torah, l’effort et l’abnégation qu’il faut y mettre. Lors du Matan Torah, nous avons reçu, avec notre âme divine, la capacité d’étudier la Torah et de la comprendre dans toutes ses dimensions, révélée et voilée. Et nous arrivons ainsi à la quatrième condition, l’une des plus importantes et la plus connue.
'Naassé vé nichma' : nous ferons et nous comprendrons. Le Midrash a une somptueuse image pour nous faire entrevoir la beauté de ce geste. Il dit que 600.000 anges du service divin sont descendus du Ciel pour couronner les 600.000 Juifs présents au Mont Sinaï, de deux couronnes. L’une pour Naassé, l’autre pour Nichma. Le Midrash poursuit : lors de la faute du Veau d’Or, ces deux couronnes seront enlevées aux Hébreux qui se sont fourvoyés à l’idolâtrie mais elles leur seront restituées le Shabbat. Cette couronne, c’est la nechama yetera, l’âme supplémentaire qui nous accompagne chaque Shabbat. Ces deux couronnes sont comme deux niveaux d’âme, en dehors de nous, la partie ‘Haya lovée dans la ‘Ho’hma et la partie Ye’hida logée dans le Keter. ‘Haya, avec toute la puissance de Sa volonté nous permet de faire les mitsvot, c’est-à-dire le naassé, et Ye’hida, la dimension de Son plaisir nous permet d’accéder au nichma, à la compréhension intellectuelle, plaisir infini.
Il est annoncé qu’en ces temps pré-messianiques, entre exil (qui est le faire, le naassé) et la Guéoula (où tout nous sera enfin dévoilé B’’H, le nichma), nous recevrons comme une Torah nouvelle, un entendement nouveau.
Une dernière condition était indispensable au Matan Torah. Il fallait que la matière, la poussière, la terre elle-même devienne un réceptacle à la sainteté pour que celle-ci s’y imprime et y demeure. Jusque-là, elle avait été réfractaire à l’absorption de la lumière divine. Il est dit que nos patriarches connaissaient déjà et effectuaient toutes les mitsvot, bien avant le don de la Torah. Cependant, celles-ci étaient comme des effluves. Elles ne pénétraient pas la réalité, ne la modifiait pas. L’âme divine n’était pas tenue au corps. La Torah pour ce monde-ci a permis que se réalise une fusion entre matière et divin. Elle s’adresse à l’âme divine contenue dans le corps du Juif. Car l’âme divine n’a pas de point d’accroche avec ce monde ; sa réalité est tout autre. L’âme divine se « nourrit » d’une bra’ha sur un fruit, d’une mitsva… La réalité de l’âme divine, ce sont les mondes divins ! Ici, elle est emprisonnée dans la matière de notre corps. Sans la Torah et les mitsvot, elle est affamée et comme captive. Du point de vue des mondes divins, ce monde-ci est une théorie… Les mitsvot, les commandements sont un moyen de faire pénétrer la structure divine dans notre réalité.
Ainsi les dix plaies d’Égypte ont entamé le travail sur la terre ; elles l’ont battue et soumise en quelque sorte, pour la première fois depuis la Création. Au Matan Torah, les sons, le chofar brisèrent les dernières résistances de la matière, sans aucun écho car la terre avala les Paroles. La terre put recevoir la lumière divine. Depuis lors, l’essence divine est enfouie dans la matière. D.ieu est la matière du monde. Nous participons d’un monde-D.ieu.
Le Juif doit construire des réceptacles, pour recevoir la lumière divine – par la prière, l’étude et la pratique des mitsvot. Les mitsvot sont bonnes à effectuer et à penser pour la structure de l’être juif. Elles les aident à être Juif ; elles les aident à être, tout simplement, selon son essence, car il ne peut être autre chose que ce qu’il est : Juif. Les mitsvot ont aussi pour fonction de faire pénétrer notre structure divine dans notre réalité humaine. Lorsque la Tradition affirme : « Pour moi, le monde a été créé », cela signifie les mondes divins et le voile, le élèm, qui les masque partiellement à ma perception, ce qui me permet de travailler à me perfectionner dans la construction de mon essence divine.
Pendant des siècles de judaïsme « exilique », les regards et les prières s’élevaient vers « le Ciel », l’essence divine « là-haut ». Nous « travaillions » avec nos bénédictions sur les aliments notamment, à élever les étincelles divines contenues dans la matière depuis le don de la Torah : un tikoun olam à l’échelle de la planète, entamé par l’errance de quarante ans des Hébreux dans le désert, un monde de réparations, un véritable olam ha tikoun.
Désormais, le Juif s’attache à la matière elle-même, et les mondes divins ne sont plus virtuels mais réels. Dissimulés dans une dimension parallèle au nôtre, ils sont « l’autre » réalité. Les envisager permet d’accéder à ce que l’on appelle la conscience divine. Concevoir ces mondes, à défaut de les voir et de s’y mouvoir, c’est cela le Daat elyon. Faits de la même matière que les astres, la poussière ou tout autre être vivant, nous pouvons fusionner avec l’essence divine contenue dans la matière. Fuir la matière et regarder « le Ciel », c’est d’une certaine manière fuir D.ieu qui est ce monde.
Chavou’ot (EXTRAIT du volume 6/6 Secrets des fêtes juives - à paraître)
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Illustration : Minhagim book, Amsterdam 1723
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