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Ariela Chetboun

Israël, 22 février 2024

"OTAGE" ? - Demain je vais essayer de m'associer à cette mitsva de faire un jeûne de la parole pour soutenir les familles d’otages et demander leur retour. Peut-être cela m'aidera-t-il aussi à me débarrasser de mes pensées obsédantes pour les otages et trouver un début de réponse à cette question : pourquoi HaChem a-t-Il voulu que nous ayons à notre époque des otages en si grand nombre, si jeunes et tant de femmes abîmées encore là-bas ? Pour unifier le Peuple à sa Terre et à la Torah ? C’est cela que signifierait cette guerre ultime ?

Réponse le lendemain... La traduction française « otages » n’a pas la même signification que le mot hébreu utilisé chaque jour par les Israéliens : חטופים ‘hatoufim. Cette traduction renvoie à un univers de sens qui n’a pas du tout les mêmes implications.

Dans le mot « otage », le français entend l’étymologie « retenu à demeure comme garant » - « à demeure » comme hôte > hoste > du vieux français « ostage ». La personne retenue l’était chez celui qui prenait - avec cette personne qui pouvait d’ailleurs se livrer elle-même - une garantie qu’il rentrerait dans son bon droit, dans ses fonds, dans la promesse qui lui avait été faite, comme un homme devenu insolvable se fait esclave de celui qu’il a lésé.


Nous nous souvenons que l’histoire du peuple juif est une longue suite d’enlèvements et de libérations contre rançons. Combien d’entre nous ont été enlevés à leur famille contre espèces sonnantes et trébuchantes dans les pays où nous étions des dhimmis ? L’un d’entre nous était capturé, sa communauté organisait une collecte, livrait les fonds et la personne enlevée était alors généralement libérée. Voilà ce qu’était un otage au sens moderne pour les Juifs au long des siècles.


Moderne, car la référence ancienne profondément enfouie dans notre âme juive d’un « otage » est biblique et se trouve rapportée en Genèse Mikets 42.19 :

אִם-כֵּנִים אַתֶּם--אֲחִיכֶם אֶחָד, יֵאָסֵר בְּבֵית מִשְׁמַרְכֶם; וְאַתֶּם לְכוּ הָבִיאוּ, שֶׁבֶר רַעֲבוֹן בָּתֵּיכֶם

Si vous [les tribus de Jacob] faites bien ce que vous dites, un seul frère parmi vous sera enchaîné DANS VOS PRISONS, et vous, allez apporter de quoi rompre la faim dans vos maisons [à vos maisonnées]

וְאֶת-אֲחִיכֶם הַקָּטֹן תָּבִיאוּ אֵלַי, וְיֵאָמְנוּ דִבְרֵיכֶם וְלֹא תָמוּתוּ

Vous m’amènerez votre jeune frère et votre parole se trouvera avérée et vous ne mourrez pas.


Ainsi, dans notre imaginaire juif, dans notre compréhension intime du fonctionnement du monde, dans notre expérience de vies, dans notre foi profonde en la vie, nous croyons, nous savons (inconsciemment), que nous nous enchaînons par nos propres paroles et qu’enfreindre notre parole donnée est ce qui nous enchaîne DANS NOS PRISONS. Nous comprenons que si l’un d’entre nous est retenu en otage - et là, véritablement en otage, c’est-à-dire chez Celui à qui l’on a promis quelque chose – il nous suffira d’être cohérent avec nous-même, de faire ce que nous avons dit et notre peuple sera de nouveau réuni avec la partie qui lui a été prélevée.


Il n’arrive rien de mauvais à celui qui est retenu ; il ne fait que « servir », qu’être au service de celui qui le retient (Genèse Mikets 44.10) :

אֲשֶׁר יִמָּצֵא אִתּוֹ יִהְיֶה-לִּי עָבֶד, וְאַתֶּם תִּהְיוּ נְקִיִּם

Celui qui sera trouvé avec [la coupe de Joseph] sera mon serviteur et vous [autres] serez quittes.


Mais aujourd’hui, les Israéliens ne parlent pas d’otages mais de חטופים ‘hatoufim. L’étymologie de ‘hatouf c’est חטפ : enlevé de force par un ravisseur. Ici, en hébreu, on n’entend pas du tout la notion de garant. Il n’y a pas grand-chose à faire pour récupérer une personne kidnappée, victime d’un rapt. D’ailleurs, le français a-t-il un mot pour cela ?


Des enlèvements, nous en avons aussi toujours vécus : les Romains nous ont enlevés de force pour devenir esclaves à toutes sortes de fonctions. Nous avons été de multiples fois enlevés de nos maisons, de notre Terre et déportés pour Service de Travail Obligatoire.


Mais le 7 Octobre 2023, l’enlèvement massif de plus de deux cents adultes dans la force de l’âge, mais aussi de personnes âgées et de bébés inaptes au travail, de dépouilles, n’est pas seulement une prise d’otages au sens d’un échange toujours possible lors d’une négociation contre libération de prisonniers ou d’argent. Il n’est pas question uniquement de rançon dans cette guerre qu’on nous a faite.


Ici, le rapt est déjà un bénéfice en lui-même, une victoire en soi, sans besoin d’échange. Enlever pour posséder, détenir et retenir ce que l’autre n’a plus. Un esclave de maison qui fera la cuisine à ses « hôtes », ou esclave sexuel, et/ou esclave à battre sur qui passer ses frustrations. Une libération contre argent et prisonniers, oui pourquoi pas ? Après


Et nous ? Nous ici dans nos frontières ? Pour la première fois depuis la chute de notre royaume il y a 2.000 ans, nous avons de nouveau une armée pour tenter de récupérer par la force des Bnéi Israël kidnappés. Et nous en faisons usage tant que nous pouvons. Mais au-delà de la force que nous déployons que devons-nous comprendre et faire ?


Quelle Parole devons-nous honorer pour libérer de NOS PRISONS et faire rentrer à la Maison les plus jeunes parmi nos frères ?


Pourquoi HaChem a-t-Il voulu qu’une grande partie de notre Peuple soit séparée de nous si longtemps et dans de si dures conditions ? « Comme une seule journée interminable » dit la mère d’un otage… Est-ce pour que nous ressentions de nouveau dans notre chair et dans notre âme ce qu’est Am Israël ?


Serons-nous réunis tous ensemble, dans nos frontières, avec notre promesse « Na'assé vé Nichma » quand nous aurons fait ce que nous devons faire ? Comprendrons-nous enfin quand nous aurons fait ce que nous devons faire ? Quoi ? Unifier le Peuple à sa Terre et à la Torah ? C’est cela que signifierait cette guerre ultime ?

כִּי-אֵיךְ אֶעֱלֶה אֶל-אָבִי, וְהַנַּעַר אֵינֶנּוּ אִתִּי: פֶּן אֶרְאֶה בָרָע, אֲשֶׁר יִמְצָא אֶת-אָבִי

Vayigach 44-34


Illustration : Maurice Bismouth (1891-1965)

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