« Dans l’année juive, Hanouka arrive au mois de Kislev, au milieu du récit dans la Torah de la vie de Joseph, au moment qui correspond à son élévation, après sa chute dans le puits, dans l’esclavage et en prison. Ici, il « remonte » et vit une ascension extraordinaire jusqu’à devenir le second plus important personnage de l’Égypte après Pharaon. Hanouka, c’est la fête des lumières. Nous y allumons 36 chandelles pour faire reculer l’obscurité en ce monde. Hanouka est aussi lié… à l’éducation juive, le ‘hinou’h, ou comment « élever » nos enfants en leur donnant de l’élévation ».
UNE ANNEE AVEC LA CABALE (extrait)
Secrets de la Torah et des Fêtes Juives
Livre 1/6 Genèse Berechit
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« Le ‘hinou’h חינוך, ce sont les mêmes lettres que celles de חנוכה ‘hanouka
On devrait donc plutôt parler « d’élévation » de l’enfant plutôt que de son « éducation ».
La hanoukia avec laquelle on allume aujourd’hui les nerot (pluriel de ner, les chandelles) pour commémorer Hanouka, correspond à la Menorah du Temple. Celle-ci avait sept branches. Elles représentaient symboliquement les sefirot : les six sentiments, les midot (‘Ho’hma, Bina, ‘Hessed, Gvoura, Netsa’h et Hod) et la Mal’hout (à la base du socle) ; sept jours de la Création du monde, sept jours de la semaine, sept composants de l’âme qui représentent toutes les différences formant nos personnalités, la totalité du peuple juif. Nous nous inscrivons donc dans ces sefirot et dans la Menorah du Beit Hamikdash, qui a pour fonction d’éclairer les ténèbres.
La Menorah au Temple s’allumait à partir du Yessod (la branche du centre incarne le « milieu » : Keter, Daat, Tiferet, Yessod et Mal’hout). Le Yessod (« Fondement, Élément ») a la faculté de commencer, de terminer et de transmettre. Il est le centre qui tient tout, du bas jusqu’en haut ; il fait la jonction entre les midot et la Malkhout.
Le Cohen Gadol allumait chaque jour les nerot du grand candélabre au Temple. Il avait de l’esprit saint, suffisamment pour « entrer » dans les forces du mal et en tirer les âmes qui y étaient tombées, pour « élever » ces âmes, donc, dont les racines avaient chuté et pour les replacer dans la kedoucha, dans la lumière, dans le monde d’Atsilout qui est la source des âmes juives, ou pour la placer vers le monde divin qui correspond à son niveau.
Quand quelqu’un tuait par inadvertance, on disait que c’était de la faute du Cohen Gadol.
Car son travail consistait à déraciner l’âme juive tombée dans les forces du mal. Par inadvertance : du fait de l’inconscient de cet homme, des forces cachées de l’âme dont a jailli une force du mal, que cet homme n’a pas su gérer et qui a entraîné la mort.
Le Cohen Gadol élevait les âmes juives ; il était en cela « l’éducateur » de tout le peuple juif. Lui-même incarnait la perfection humaine : beauté, force, santé, richesse, intelligence, générosité, puissance, vision… ce que le peuple juif produisait de meilleur. Le Grand Pontife officiait au Temple pour le bien de tous. L’idée principale du Temple, c’était de tendre à ce qu’il y a de meilleur en nous, le cœur de l’éducation juive.
Maintenant, regardons les lettres hébraïques.
Un ner, une chandelle, c’est un récipient, de l’huile et une mèche. La tradition ésotérique dit que cela correspond au corps (le récipient), à la vitalité (nefesh) et à l’esprit, le souffle de l’âme (roua’h). Les lettres qui composent le mot ner en hébreu (noun rèch) indiquent nefesh + roua’h, c’est-à-dire deux niveaux d’âme. On se souvient que l’âme est composée de cinq niveaux : nefesh (l’élan vital), roua’h (le souffle, l’esprit), nechama (l’âme proprement dite), ‘haya et ye’hida. Ces deux derniers niveaux sont extrêmement élevés.
« Élever le ner », laalot et ha ner (du Candélabre du Temple ou de la hanoukia) voilà le lien secret : laalot et ha ‘hen « élever la grâce ». C’est en cela que l’acte d’allumer les nerot de Hanouka est lié à l’acte d’élever un enfant. ‘Hen, la grâce, ce sont les lettres ‘het noun (‘haya et nefesh) ; lier le niveau d’âme le plus bas au niveau d’âme le plus élevé (le niveau atteignable par un travail humain – ‘ye’hida étant hors de portée, un cadeau de D.ieu aux grands tsadikim).
Ainsi, le ‘hinou’h, l’éducation juive, c’est trouver le ‘hen « la grâce chez l’enfant et l’élever, » c’est identifier, autrement dit ressentir sa néchama, son nefesh (sa vitalité, son action) et son roua’h (sa spiritualité). L’observer et voir sa « beauté » (la beauté de son âme et de ses sentiments), donc sa « grâce » et l’élever. Trouver ses qualités et les mettre en lumière, la faire grandir, comme une lumière.
« Élever les nerot » de Hanouka, « élever la grâce » chez un enfant c’est lui permettre de trouver en lui-même et d’unifier son nefesh (sa vitalité), son roua’h (son esprit), sa néchama (la flamme de son âme qui correspond à la Bina) et ‘Haya (sa conscience la plus élevée, la plénitude de l’âme qui correspond à ‘Ho’hma). Autrement dit, tous ses niveaux d’âme.
L’éducateur le me’hane’h est comme un Yessod qui éveille, influence, embellit et élève les choses. Le bon éducateur se tient dans le ‘Hessed, dans l’effort pour dévoiler le bon, le beau chez l’enfant (« de la gauche repousser le mal et de la droite rapprocher le bien »), afin d’élever chez l’enfant tous les niveaux de son âme.
C’est cet être réalisé, magnifique parce qu’il a identifié et travaillé tous les niveaux de son âme, que nous devons chercher en nous. Et chez l’enfant, il faut chercher à le révéler à lui-même : alpi darko, en fonction de son chemin à lui, de ses dispositions naturelles. Comprendre de quel monde divin vient cet enfant, comprendre sa nature profonde et lui donner ce dont il a besoin pour s’épanouir (sera-t-il artiste, manuel, intellectuel, etc.).
‘Hanouka nous aide à penser cette approche éducative. Allumer les nerot de ‘Hanouka, c’est élever la grâce, littéralement. C’est la mitsva liée à cette fête. Trouver la grâce (la sienne et celle des autres) et l’élever - sa « beauté », c’est-à-dire les sentiments dont il est beau. Comme Yossef, il faut être un Yessod, un support qui canalise, influence et embellit l’autre.
Et en éducation comme quand on allume les nerot de Shabbat ou de Hanouka, on ne « lâche » la flamme que quand celle-ci est capable de s’élever d’elle-même, quand la mèche prend de son propre feu, quand l’enfant commence à briller de sa propre lumière".
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