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Ariela Chetboun

Du 17 Tamouz au 9 Av : une période critique

“Ces vingt-un jours sont appelés ימים בן המצרים yamim ben ha metsarim. Plusieurs traductions sont possibles. מצר Metsar en hébreu a le triple sens de ‘limite, borne’, ‘passage étroit’, 'dans la détresse, attristé, affligé'. La racine מצר signifie ‘délimiter, tracer’. On retient généralement la traduction ‘Jours de détresse’, d’après le Psaume 118.5 מִן הַמֵּצַר קָרָאתִי יָּהּ min ha metsar ‘J’implore D.ieu du fond de ma détresse…’. L’expression renvoie à l’idée que le peuple juif a été pourchassé jusque dans des terres, jusqu’à des endroits dont il ne pouvait s’échapper. Pour Rachi, les ennemis des Juifs les ont ont acculés aux frontières et ils se retrouvèrent pris dans une impasse. Le Midrash Rabba nous emmène à la source. Metsarim évoque de grands malheurs et de dures souffrances car des forces très nuisibles qui appartiennent à ‘l’Autre côté’ règnent à ce moment précis. Donc deux bornes temporelles malheureuses, le 17 Tamouz d’un côté et le 9 Av de l’autre, qui encadrent des jours difficiles pour le peuple juif. Que s’est-il passé ? Et qu’est-ce qui continue de se jouer pour les Juifs chaque année à cette époque-là ?”.



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“À l’origine de cette période de malheurs, deux fautes très graves du peuple juif : le 17 Tamouz qui suivit la sortie d’Egypte, les premières Tables de la Loi furent brisées à cause de la faute du Veau d’Or.


Quant au premier 9 Av désastreux, il s’agit du jour où les Hébreux, dans leur ensemble, se mirent à se lamenter en entendant le récit des Explorateurs dépeignant la Terre promise comme une terre qui mange ses habitants :


וַתִּשָּׂא כָּל-הָעֵדָה וַיִּתְּנוּ אֶת-קוֹלָם וַיִּבְכּוּ הָעָם בַּלַּיְלָה הַהוּא

Alors toute la communauté se souleva en jetant des cris et le peuple passa cette nuit à gémir (Bamidbar 14.1)


À cause de ces pleurs et de ces lamentations, de cette peur, de ce manque de confiance en D.ieu, de ce refus d’entrer en Terre promise, les Hébreux se virent condamnés, non seulement à mourir en grand nombre chaque année à cette même date, jusqu’à ce que toute cette génération périsse dans le désert, mais aussi à voir le futur Temple de Jérusalem détruit par deux fois à la même date anniversaire. Comme si D.ieu leur avait dit : ‘Cette nuit, vos pleurs n'étaient pas fondés. Mais Je jure de faire, de cette nuit, une nuit de larmes pour toutes les générations à venir !’.


Dans le désert, la veille de chaque 9 Av, Moïse ordonnait à chaque homme de creuser sa tombe et d’y dormir. Au matin, les hommes vivants pouvaient en sortir. Ce décret resta en vigueur pendant trente-huit années, jusqu'à ce que toute la génération âgée de vingt à soixante ans ait disparu. Ainsi, chaque année, entre 15.000 et 16.000 hommes mouraient la nuit du 9 Av - 603.550 hommes en tout.


A l’autre borne des Jours de détresse, trois semaines plus tôt, le 17 Tamouz, quatre autre événements tragiques eurent lieu au cours de l’histoire juive. Ils procèdent les uns des autres et construisent, en creux, la nation. La fabrique d’une idole - le Veau d’Or - est le drame originel. Pour conjurer cette violence, le bris des premières Tables de la Loi que Moïse descend du Mont Sinaï ne peut rien. Moïse doit calmer l’univers alors déséquilibré, apaiser les éléments naturels, dont la vaste mer qui gronde et menace de tout engloutir. Il brûle le Veau d’Or, le réduit en poudre qu’il mélange à l’eau de mer et fait boire ce dépuratif aux Hébreux qui se sont rendus impurs - un rituel qui préfigure celui de la vache rousse et de l’eau lustrale au temps du Temple. Ce faisant, les Hébreux perdent deux cadeaux divins infiniment précieux : ils deviennent mortels et seront désormais soumis aux Nations. La Tradition explique que si les Tables n'avaient pas été brisées, les Hébreux auraient été libérés du pouvoir des Nations et de l'Ange de la mort.


Le peuple hébreu connut quatre autres drames un 17 Tamouz, échos lointains de ce premier accroc dans l’Alliance entre le Créateur et Son peuple libéré de son esclavage en Egypte.


(...)


Jérusalem est le symbole de l’unité du peuple juif, son ‘corps’, son intégrité. Unité au sein du peuple, unité entre le peuple et le Ciel, entre le peuple et sa Terre. Cette unité entamée, le peuple est en danger. On comprend que ces attaques de ‘l’ennemi’ se produisent par cercles concentriques, du plus large - la protection globale qu’offre l’Alliance divine - au plus étroit, de l’extérieur vers l’intérieur, vers l’intimité du peuple juif, sa Torah, déboutée par une idole, la Ville sainte étant dès lors ouverte à tous les vents mauvais. Ce jour est comme une matrice, drame originel, un pattern qui influe sur toute l’histoire du peuple juif à travers les temps. Il est dit que trente-six interdictions ont été enfreintes par le peuple juif, ce qui causa sa séparation d’avec sa source divine.


La faute première - le refus des Tables de la Loi gravées et le détournement vers une idole - c’est l’immaturité du peuple hébreu. À ce stade de son évolution, il préfère encore s’inscrire dans des valeurs connues, celles du monde physique, du D.ieu dans son aspect eloki des causalités naturelles de l’univers, les lois maîtrisées du monde circulaire et enfermant de la nature qui environne. La meilleure représentation que l'on pouvait en faire était un Veau d’Or. La faute du Veau d’Or חטא העגל ‘hèta ha éguèl, peut en effet s’entendre comme la faute de la pensée du cercle עגול ‘igoul, le péché de la vision circulaire du monde. En cela, le peuple hébreu à ses premières heures se refuse la possibilité de penser le Tétragramme, la transcendance, le monde de la Droite, la droiture d’Israël ישראל Yachar El. Il refuse les valeurs du Ciel et les Tables de la Loi qui les illustrent, pour se cantonner dans le monde confortable des lois bien connues de la nature.


(...)


Jusqu’aujourd’hui, le mois d’Av ne serait pas des plus favorables aux Juifs. Il est recommandé, par exemple, de ne pas prendre de bain de mer, de se mettre en danger de quelque façon que ce soit et même de passer en procès à cette période car il est probable que la partie adverse, non-juive, aurait gain de cause.


Mais ce qu’il faut comprendre ici c’est que le 17 Tamouz était la date initialement choisie pour un immense cadeau divin, celui des lois matures de la transcendance, de la droiture. Ce jour qui clôturait une période de quarante jour de retraite de Moshé Rabbenou dans les mondes divins, dans l’intimité de D.ieu, aurait dû être un jour de mariage entre le divin et l’humain, un jour de liesse entre D.ieu et Son peuple, le jour d’une rencontre ultime.


Dans son essence, le 17 Tamouz est donc un jour de joie profonde. Il le redeviendra à la fin des temps, annoncent nos maîtres, lorsque nous aurons réparé les fautes de ce jour… un 9 Av !

C’est en effet à Tich’a bé Av qu’est réparé Chiv’ah Assar bé Tamouz. Et le 9 Av est aussi prévu pour être un grand jour de joie pour le peuple juif puisqu’il est conçu pour être celui du retour sur la Terre, pour la véritable sortie d’exil, pour la Délivrance. Ces deux jours qui sont actuellement ceux de nos plus grands malheurs ont vocation à être ceux de notre plus grande joie. Et le mois d’Av, le mois ‘Père’ comme cela s’entend en hébreu, le mois le plus grand et le plus fort de tous les mois de l’année, le mois de la totale libération, quand Nissan est le mois d’une ‘petite’ libération, celle du printemps, aviv, ‘petit père’. Un jour, dans un proche avenir, avec l’aide de D.ieu, nos jeûnes auront réparé nos fautes et ces jours deviendront des jours de réjouissance. Kipour aussi deviendra un jour de grande joie : toutes nos fautes seront en effet pardonnées.


(...)


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