“Quasiment à mon arrivée cet été, j’avais participé (je devrais plutôt dire « assisté ») à ma première manifestation en Israël, au lieu précis d’où les terroristes avaient tiré sur ce couple d’Eli qui rentrait la nuit en voiture. Une manifestation très pacifique pour réclamer que les points d’embuscade possibles de tireurs isolés – arbres, maisons trop près de la route – soient détruits. Déploiement de l’armée et de la police – à la fois pour nous contenir et nous protéger, quel paradoxe (!). Pas de cris, pas de slogans, pas de pancartes.
Extrait de EN ISRAËL ! CHRONIQUE D'UNE NOUVELLE IMMIGRANTE (2002). En vente sur Amazon (60 pages, 4,99 €)
Avant l’aube ce matin-là, les femmes étaient descendues à travers champs sur la route, ont investi la maison vide de ses habitants, y ont dansé entre elles. Plus tard dans la matinée, les hommes les y ont rejoint et ont prié avec elles. Puis, d’autres personnes, des hommes, des femmes avec leurs enfants sont arrivés. Nous n’étions pas très nombreux. La chaîne d’information n’avait pas bien fonctionné, semble-t-il. Nous sommes restés quelques heures et sommes repartis avec la promesse que l’autorité – l’armée ? le gouvernement ? je ne sais pas – allait étudier la question : peut-être que les habitations construites au bord de la route sans permis de construire pourraient être détruites.
Je n’arrive toujours pas à déterminer si cette proposition est bonne ou pas. Se faire tirer dessus comme des lapins à la fête foraine, ce n’est pas vivable et il faut que cela cesse. Mais réclamer et peut-être obtenir que des habitations soient détruites pour éviter que des tireurs, assez lâches sans doute pour n’être pas du village en question, commettent leurs forfaits… je ne sais pas si c’est bien. Nous risquerions de créer un no man’s land supplémentaire. Ou nous faire tuer encore. Ils changeraient d’armes, en trouveraient à plus longue portée ou se focaliseraient sur cette portion de route où nous passons chaque jour. Décidément, je ne sais pas. Ce que j’ai trouvé remarquable, en revanche, c’est que la négociation avec l’autorité glisse finalement sur le terrain du droit. Pas le compromis mou, non. Le droit. La loi. Nous sommes remontés à Eli et la vie a continué l’après-midi.
Quelques mois à peine après cet événement, j’ai constaté sur moi-même comme les positions se radicalisent rapidement quand on vit ici. Et, si je reste toujours incapable de me prononcer en faveur d’une solution ou d’une autre, je suis cependant de plus en plus convaincue du bien-fondé et de l’impérative nécessité de vivre sur cette terre de Judée-Samarie, à côté ou aux côtés, c’est-à-dire avec ou sans les Palestiniens. Mais ceci est une question plus vaste. Ce que je note toutefois, c’est le travail psychologique indispensable qu’il faut faire sur soi pour ne pas se laisser envahir par la haine pour ceux qui ne semblent vivre que pour nous tuer. Demain, j’essaierai de vous expliquer comment nous faisons pour vivre ici, avec une conscience aiguë du danger, tout en évacuant la peur et la haine”. Le droit, la loi - Lundi 16 décembre 2002
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